MTM, 6 mars 2025

Le 4 décembre dernier, Brian Thompson, PDG de UnitedHealthcare (une des entreprises les plus riches du monde, spécialisée dans l’assurance santé), a été assassiné de trois balles dans le dos. Sur le sol, trois douilles, marquées des mots « Delay, Deny, Depose », faisant écho à l’essai « Delay, Deny, Defend » de Jay Feinman, qui résume en ces termes les pratiques courantes des compagnies d’assurance, notamment celles d’UHC.
Ces entreprises réalisent leurs profits sur l’écart entre les cotisations de leurs assurés et les frais de santé qu’elles prennent en charge. Plus elles refusent d’indemniser, plus leurs bénéfices augmentent. Pour parvenir à ce résultat, elles usent de stratégies bien rodées : retarder (« delay ») les prises en charge, nier (« deny ») les demandes des assurés en prétextant des clauses contractuelles, et se défendre (« defend ») avec une armée d’avocats dans les rares cas où un patient ose engager des poursuites. Après des années de batailles judiciaires et d’appauvrissement personnel, ceux qui ne sont pas morts ou n’ont pas abandonné peuvent éventuellement finir par obtenir les soins pour lesquels ils payent jusqu’à 500 dollars par mois !
Sachant qu’UHC affiche un taux de refus de remboursements de 27 % tout en étant le leader du marché avec 51 millions d’assurés, il n’est pas surprenant que Luigi Mangione, le tueur présumé, ait pu considérer Brian Thompson comme une cible légitime.
Le terrorisme individuel
Le problème principal de ces méthodes terroristes réside précisément dans leur caractère individuel. Les communistes rejettent totalement les atermoiements de la bourgeoisie et des réformistes, arc-boutés sur leur défense du statu quo, qui affirment que Brian Thompson était « un homme comme un autre » qui ne méritait pas de mourir. Face aux millions de personnes ruinées, handicapées ou mortes à cause des pratiques de UHC, ils répondent que « la loi est ainsi faite », et qu’il suffirait de voter pour eux afin de réduire (au mieux) le taux de refus des remboursements de 27 % à 20 %. Mais pour la majorité des travailleurs américains, la colère de Mangione est compréhensible et souvent partagée.
L’évaluation morale d’un tel acte passe à côté du cœur du problème : quelle est l’utilité des actes terroristes ? Encouragent-ils les masses à se soulever ? L’histoire et l’expérience prouvent le contraire. Si l’arrestation de Mangione a déclenché une vague d’indignation sur les réseaux sociaux et un soutien populaire, aucun mouvement de masse n’en a émergé. Le capitalisme a simplement remplacé le patron manquant, et la machine a continué de tourner.
Le terrorisme individuel cantonne les masses à un rôle de spectateurs, devant des martyrs héroïques qui surgissent pour venger les injustices. Mais abattre quelques milliardaires ne permet pas de détruire le capitalisme : comme Brian Thompson, ils seront toujours remplacés.
Pour la lutte de masse
C’est pourquoi, aux actions isolées du terrorisme individuel le mouvement ouvrier doit opposer la lutte de masse de l’ensemble des travailleurs. Le sacrifice de combattants déterminés de notre classe dans l’impasse de l’action terroriste est un gâchis total. Les militants qui sont prêts à risquer leurs vies pour abattre ce système doivent se tourner vers la lutte révolutionnaire de masse qui est la seule à provoquer un véritable sentiment de terreur chez les capitalistes.
Les grèves et les occupations d’usine sont beaucoup plus violentes pour les capitalistes que les actes “terroristes” individuels. Mais c’est une violence exercée collectivement par la classe ouvrière, qui s’inscrit dans un processus conscient et organisé. De telles mobilisations représentent toujours un pas de plus vers la révolution.
En s’opposant au terrorisme individuel, les communistes n’encouragent pas la passivité ou les appels au calme. Nous défendons au contraire la seule violence qui inquiète réellement les capitalistes, celle qui est issue de l’action organisée et collective des masses. Seule une telle approche peut réellement transformer la société et renverser ce système.