S. Lahaie, 6 mars 2025

Le 15 janvier dernier, un cessez-le-feu a été conclu entre Israël et Gaza. À l’heure de l’écriture de ces lignes, cette trêve est déjà en train de voler en éclats. En effet, Netanyahou aurait laissé entendre à ses ministres qu’il reprendrait la guerre après la première phase de l’accord. Le Premier ministre israélien a déclaré à la télévision qu’Israël « garde le droit de reprendre la guerre » à tout moment avec le soutien des États-Unis.
Même en cas d’accord de paix, il y a fort à parier que la guerre entre les deux États reprendra tôt ou tard. L’hostilité entre Israël et ses voisins, en particulier la Palestine, remonte à sa création, orchestrée par les Occidentaux pour des motifs impérialistes. Depuis 1947, on ne compte plus les incursions de l’État sioniste en territoire palestinien.
À la chute de l’Empire ottoman, ce dernier fut morcelé en plusieurs petits États, dont la Palestine. Il fut décidé que les divers territoires arabophones ne seraient pas rendus à la Turquie, mais partagés entre les différents vainqueurs sous une forme déguisée de colonialisme.
En 1922, le Royaume-Uni obtient un « mandat » sur la Palestine. Ce mandat, décidé bien évidemment sans consulter les populations locales, stipulait que le Royaume-Uni devait placer le pays dans des conditions qui permettront « l’établissement d’un foyer national juif » et faciliter l’immigration juive. Il ne s’agit pas, comme on pourrait le penser naïvement, d’un élan de générosité envers un peuple dont les discriminations en Europe prenaient une ampleur inouïe ! En réalité, les Occidentaux avaient tout intérêt à implanter un territoire en Orient, sous bonne garde européenne, afin d’éviter qu’une nouvelle puissance n’émerge des décombres de l’Empire ottoman. Parallèlement à l’immigration juive, le tourisme se développe lentement en Palestine, avec l’implantation d’hôtels de luxe.
Dans ce contexte, la Palestine mandataire devient le théâtre d’un conflit de plus en plus violent entre Arabes et Juifs palestiniens. Incapable de contrôler cette situation qu’il avait lui-même créée, le Royaume-Uni remet le mandat de la Palestine aux mains de l’ONU en 1947. Pendant le vote, ce sont les États-Unis qui font pression sur divers pays, dont le Liberia, Haïti, les Philippines et la France, afin qu’ils votent en faveur du plan. Ce dernier prévoyait le partage de la Palestine mandataire en trois entités, avec la création d’un État juif et d’un État arabe, tandis que la ville de Jérusalem serait placée sous corpus international (territoire neutre). Au moment du partage, la population est composée d’un tiers de Juifs et de deux tiers d’Arabes.
Le plan de partition ne sera jamais mis en place. Il est complètement déconnecté de la réalité de la situation sur place, où les organisations terroristes sionistes s’emparent du territoire, contraignent les Palestiniens à fuir par centaines de milliers et brûlent leurs maisons pour empêcher toute possibilité de retour. L’État d’Israël sera proclamé par les dirigeants sionistes le 14 mai 1948, en plein cœur d’une guerre civile dirigée contre la population arabe.
Début des guerres israélo-arabes
L’histoire d’Israël est une succession sans fin de guerres impérialistes. Pour consolider leur État impérialiste, les dirigeants sionistes devaient nécessairement écraser les pays arabes voisins. C’est ce qu’ils feront dès la première guerre israélo-arabe de 1948.
S’ensuivent plusieurs périodes de combats entrecoupées de trêves. Les conflits s’enchaînent. Parmi les plus meurtriers figurent notamment la guerre des Six Jours, lorsqu’Israël attaque l’Égypte et la Jordanie (aujourd’hui sous traité de paix), et la guerre du Kippour en 1973.
Israël profite de ces conflits pour agrandir son territoire, à la fois grâce aux traités de paix et sous couvert « d’occupation ». Les soldats occupent une zone de la bande de Gaza ou de la Cisjordanie, provoquant la fuite des populations locales, puis ils annexent la zone comme faisant partie de leur territoire. Loin d’être un événement isolé, le conflit qui a commencé le 7 octobre 2023 s’inscrit donc dans la continuité logique d’une série de guerres et de trêves qui s’étale sur près d’un siècle.
Israël est désormais le pays le plus développé du Moyen-Orient, occupant le premier rang en termes de richesse moyenne par adulte, de compétitivité économique et d’espérance de vie. C’est également le troisième pays le plus riche d’Asie en termes de PIB par habitant. Cette richesse s’appuie évidemment sur une exploitation importante de la population arabe : l’écart de revenus entre Juifs et Arabes d’Israël est considérable. Les habitants arabes ont un revenu net 89 % plus bas que les habitants juifs.
Relations avec les États-Unis
Israël n’aurait pas pu s’enrichir ni se maintenir face à l’hostilité des pays voisins sans le soutien des États-Unis. Depuis 1948, les deux pays entretiennent une relation de proximité, notamment via une aide financière annuelle et des accords militaires.

Cette générosité des États-Unis envers Israël est due à des intérêts politiques et économiques. Premièrement, le Moyen-Orient est la source de nombreux gisements de pétrole, ce qui en fait un point économique stratégique. Deuxièmement, Israël est le seul pays allié des Occidentaux au Moyen-Orient. En effet, les pays arabes sont très hostiles envers l’Europe et les États-Unis, en raison des nombreuses guerres menées par ces derniers dans la région et de la colonisation européenne. Le fait d’avoir un allié qui se bat à leur place au Moyen-Orient profite énormément aux États-Unis, qui peuvent ainsi défendre leurs intérêts dans la région sans prendre directement part aux combats.
Depuis la réélection du président Trump en ce début 2025, cette alliance prend une tournure qui prêterait à rire si la situation n’était pas si grave. Si l’indécence des dirigeants était auparavant (mal) masquée par des discours accusant d’antisémitisme quiconque dénonçait les massacres commis à Gaza, on constate que Trump ne s’embête même plus à sauver les apparences. Le 5 février, le dirigeant américain parlait de transformer Gaza en « nouvelle Côte d’Azur » sous contrôle américain ! Notons également qu’après son retour à la maison blanche, Netanyahou a été le premier dirigeant étranger à lui rendre visite !
Dans le même temps, l’une de ses premières actions fut d’appeler Netanyahou pour l’enjoindre à accepter le cessez-le-feu du 15 janvier, sous peine d’un retrait de l’aide militaire des États-Unis à Israël. En effet, la guerre ouverte d’Israël au Moyen-Orient n’arrange pas les États-Unis.
Si Trump veut se désengager du Moyen-Orient, c’est pour mieux se concentrer sur la menace que constitue la Chine. De plus, cela lui permet de satisfaire une partie de ses électeurs, favorable au cessez-le-feu à Gaza, et de se présenter comme un « président de la paix ». Les menaces de Trump rappellent à Netanyahou qu’il n’aurait jamais pu mener cette guerre sans le soutien des États-Unis. Mais elles démontrent aussi de manière flagrante la responsabilité des États-Unis dans cette guerre. S’ils avaient menacé plus tôt de retirer leur aide financière, elle aurait pris fin bien plus tôt.
Impact sur Israël et implication de Netanyahou
Déjà avant la création d’Israël, Trotsky s’opposait au sionisme, qu’il considérait comme une impasse nationaliste. Selon lui, la solution à l’antisémitisme ne passait pas par la création d’un État juif, mais par l’union des masses prolétariennes à travers le monde. Il avait déjà théorisé que ce projet ne pouvait être viable qu’en alliance avec une puissance impérialiste, ce qui entraînerait de nouveaux conflits, en particulier entre Juifs et Arabes.
De nos jours, on ne peut que constater la justesse de cette perspective. Pour maintenir sa domination, la bourgeoisie israélienne produit une propagande extrêmement violente à l’encontre de la population arabe.
L’État israélien est fondé sur l’idée d’un « mythe d’unité nationale » des Juifs contre l’ennemi arabe. La classe dirigeante prétend qu’Israël défend la sécurité des Juifs, historiquement discriminés de par le monde, et dont l’oppression a atteint son paroxysme avec le massacre de la Shoah. Cette promesse de sécurité est un élément important de la domination bourgeoise sioniste qui vise à faire croire qu’il existe une communauté d’intérêts entre les capitalistes et les travailleurs israéliens.
Pour autant, une partie de l’opinion publique israélienne se retourne contre Netanyahou. Il est accusé de corruption, de fraude et d’abus de confiance dans diverses affaires. Outre ses profondes convictions colonialistes, Netanyahou utilise cette guerre comme diversion pour éviter que son gouvernement ne soit renversé. Ses intérêts personnels convergent totalement avec les objectifs de l’impérialisme israélien.
Pour en finir avec l’impérialisme
Sans le soutien des grandes puissances impérialistes, l’État d’Israël n’aurait jamais pu se maintenir aussi longtemps face à tant de forces hostiles, ni pousser aussi loin sa politique de colonisation. Si demain les États-Unis cessaient leur financement, Israël serait forcé d’abandonner la majorité de ses projets expansionnistes. C’est ici que la classe ouvrière occidentale a un rôle à jouer. Le meilleur moyen d’en finir avec le soutien de l’impérialisme est d’abattre nos propres classes dirigeantes.
Partout, les capitalistes cherchent à monter les travailleurs les uns contre les autres. Ils brandissent le bouclier de l’antisémitisme contre ceux qui s’indignent du génocide, puis agitent la « menace arabe » pour justifier leur politique criminelle.
C’est ainsi que la bourgeoisie israélienne conserve le soutien de sa population. En réalité, la bourgeoisie se moque éperdument de protéger la population juive. La défense de ses intérêts réside précisément dans la fomentation des préjugés, du racisme et de la peur. C’est la seule et unique classe qui bénéficie de l’antisémitisme et de l’islamophobie. C’est pourquoi l’issue de ce conflit passe nécessairement par un soulèvement des masses contre la domination capitaliste.
Le conflit israélo-palestinien est malheureusement une situation terrible et complexe, et nous ne pouvons donner l’illusion qu’une solution simple et rapide est possible, sans avoir à transformer en profondeur la société.
Il faut terminer le travail de la première intifada de 1987, un mouvement révolutionnaire massif de la population palestinienne qui avait commencé à briser l’unité réactionnaire d’Israël. Face à la répression violente, une petite partie de la jeunesse et de la classe ouvrière israélienne avait exprimé son soutien aux Palestiniens.
Aujourd’hui, le peuple Palestinien a été trop affaibli pour faire face seul à la force de l’État sionniste. Mais la lutte contre l’exploitation capitaliste, la corruption et l’impérialisme unit les intérêts des classes ouvrières de tout le Moyen-Orient. Seule une lutte révolutionnaire suivant la voie tracée par les révolutions arabes des années 2010 permettrait de créer le rapport de force nécessaire pour s’attaquer à Israël et toutes les bourgeoisies putrides de la région. Elle donnerait aussi les conditions pour l’établissement d’une société dirigée démocratiquement dans les intérêts de la classe ouvrière, qui en finisse une fois pour toutes avec la haine et la violence entre les peuples et les religions.
Pour un soulèvement révolutionnaire au Moyen-Orient !
Pour une lutte acharnée contre les bourgeoisies impérialistes !