Federo, 19 septembre 2025
En 2025, nous avons été témoins aux États-Unis d’une augmentation massive d’arrestations, de kidnappings et d’expulsions d’immigrants par les forces de police ICE. Des immigrants ont été directement enlevés dans les rues avec souvent peu ou aucune explication, séparés de leur famille, emprisonnés et déportés.
De Janvier à Juin 2025, on observe une augmentation vertigineuse de 807% du nombre d’immigrants sans casier judiciaire détenus par l’ICE.
Le gouvernement Trump a voté pour un nouveau budget finançant l’ICE à la hauteur de 175 milliards de dollars. Un budget complètement aberrant, encore plus élevé que le budget militaire de la Russie qui s’élève à 145 milliards de dollars. Ce à quoi nous assistons aujourd’hui n’est pas le résultat de la volonté d’une seule personne ou d’un parti en particulier, ce sont les méthodes utilisées par la classe dirigeante pour défendre un système en dégénérescence.
Qu’est-ce que l’ICE ?
L’ICE (United States Immigration and Customs Enforcement) est l’une des deux principales agences gouvernementales américaines chargées des déportations. L’autre département est le CBP (Customs & Border Patrol), son rôle est principalement de se charger des immigrants à la frontière, là où l’ICE a pour objectif de chercher et déporter les immigrants à l’intérieur du pays. Elle fait notamment partie du Département de la Sécurité intérieure (DHS), qui a été créé en réponse aux attentats du 11 septembre.
L’agence DHS en elle-même existe depuis 2003, sa mission officielle est « d’élaborer et de coordonner la mise en œuvre de la stratégie nationale globale visant à protéger les États-Unis contre les menaces et les attentats terroristes ».

Comme vous pouvez le voir sur ce graphique, l’ICE n’a pas été utilisé uniquement par les républicains. En réalité, c’est Barack Obama qui détient le record des expulsions, avec près de 3 millions de personnes renvoyées durant son mandat. C’est pour cette raison que les militants anti-déportation le surnomment le « déporteur en chef ». Sous Donald Trump, environ 1,2 million de personnes ont été expulsées entre 2017 et 2021. Le nombre a ensuite fortement chuté pendant la pandémie de Covid-19, avant de repartir à la hausse sous l’administration Biden une fois la crise Covid passée.
Aujourd’hui, les méthodes de l’ICE ont changé. Sous les précédents gouvernements, leurs forces étaient principalement concentrées sur des immigrants possédant un casier judiciaire ou ayant dépassé la durée de validité de leur visa.
Normalement, un immigrant vivant aux États-Unis devait recevoir un avis d’expulsion, pour ensuite comparaître devant un tribunal où se décidait le verdict final.
Cependant, lors de la campagne électorale de 2024, Trump a déclaré que les immigrants « empoisonnaient le sang de notre pays » et a promis la plus vaste opération de déportation de l’histoire des États-Unis. Son gouvernement s’emploie activement à tenir cette promesse de campagne en se fixant pour objectif d’arrêter 3 000 personnes par jour et 1 million de personnes d’ici la fin de sa première année de mandat. Désormais, l’ICE intervient dans les écoles, les lieux de travail, les quartiers et les espaces publics, où ses agents harcèlent et arrêtent des personnes qu’ils soupçonnent d’être en situation irrégulière. Les expulsions se font également sans audience devant un tribunal.
La réponse des masses américaines
Le vendredi 6 juin 2025, à la suite de plusieurs raids d’ICE dans les quartiers ouvriers immigrés de Los Angeles, d’importantes manifestations ont éclaté dans toute la ville contre l’ICE et Trump. David Huerta, président du syndicat SEIU et défenseur des droits des travailleurs immigrés, a été arrêté violemment lors de la manifestation. Lui et d’autres se tenaient sur un trottoir public devant un entrepôt pour tenter d’empêcher les véhicules d’ICE d’entrer. Un officier a alors violemment poussé au sol Huerta et l’a arrêté. D’autres manifestants ont continué à résister en bloquant les rues et en se plaçant devant les fourgons.

Les affrontements violents se sont poursuivis les jours suivants, la police gazant et tirant des balles en caoutchouc sur la foule. Le matin du 8 juin, Trump a déployé 4 000 soldats de la garde nationale à Los Angeles pour réprimer les manifestations.
Le lendemain, 75 démocrates votaient en faveur d’une résolution exprimant leur « gratitude » envers l’ICE et saluant leur gestion des manifestations à Los Angeles.
Quelques jours plus tard, le 14 juin, est organisé le mouvement « No Kings ». Bien qu’on estime qu’environ 5 millions de personnes y ont participé à travers le pays, le mouvement s’est révélé beaucoup moins efficace que celui de Los Angeles. Sa base sociale était également moins ouvrière, composée en grande partie de petits-bourgeois libéraux proches du Parti démocrate. Les organisateurs de No Kings ont demandé aux manifestants de rester pacifiques quoi qu’il arrive et leur ont même conseillé d’agiter des drapeaux américains. Un manifestant brandissait carrément une pancarte « Si Kamala était présidente, nous serions en ce moment même au brunch », les travailleurs immigrés ne peuvent en réalité pas en dire autant.
Kamala Harris / Trump : même combat
Pour les libéraux, Trump est une anomalie, et non le produit du système. En dehors du vocabulaire utilisé, il n’y a aucune différence entre la politique des Démocrates et des Républicains.

Chez Kamala Harris, dès qu’on gratte un peu le vernis « progressiste », on trouve exactement la même politique de la bourgeoisie américaine. Sur la question de l’immigration, elle a clairement affirmé qu’elle allait se montrer « ferme sur la sécurité des frontières ». L’hypocrisie de Kamala Harris est très bien illustrée par un de ses clips de campagne, où ses soutiens déclarent : « En tant que vice-présidente, elle a soutenu le projet de loi le plus strict sur le contrôle des frontières depuis des décennies. Et en tant que présidente, elle embauchera plusieurs milliers d’agents supplémentaires et s’attaquera au fentanyl ainsi qu’au trafic d’êtres humains. »
Le projet de loi de Kamala en question sur le « contrôle des frontières » se nomme le Border Patrol Enhancement Act. Le texte prévoyait notamment 650 millions de dollars pour la construction d’un mur frontalier, des critères plus stricts pour la demande d’asile, l’embauche d’agents supplémentaires d’ICE et de la Border Patrol, et visait à remplacer l’approche du « catch and release » (attraper et relâcher) par celle du « detain and deport » (emprisonnés et déportés). Biden avait promis de soutenir ce projet, et il semblait sur le point d’être adopté avec un appui bipartisan, jusqu’à ce que Trump demande aux sénateurs républicains de le bloquer.
Durant sa campagne, Kamala s’est engagée à soutenir à nouveau ce projet de loi si elle était élue. Elle a cherché à se positionner à la droite de Trump sur l’immigration, avec des phrases comme : « Trump parle beaucoup de sécurité des frontières, mais il n’agit pas vraiment. ».
Les travailleurs ne peuvent compter que sur leur propre force
Alors que démocrates comme républicains jouent la carte de l’immigration, de plus en plus de personnes s’opposent aux actions menées par ICE. Selon un sondage récent, 51 % des Américains estiment que Trump est allé trop loin dans ses méthodes d’arrestation et de déportation des immigrés.
Pour que la mobilisation aille plus loin, la classe ouvrière doit agir par elle-même. Travailleurs immigrants et non immigrants doivent s’organiser ensemble pour assurer la défense des sans-papiers contre les forces de l’ordre. A l’occasion de chaque occupation et de chaque manifestation, il faut former des comités de défense composés, organisés et élus par les travailleurs eux-mêmes. Ces comités permettront de répondre concrètement aux raids de ICE et de s’y opposer.
Déjà lors de Black Lives Matter, des comités de défense spontanée étaient apparus pour défendre la mobilisation contre la violence de l’État. La Zone autonome de Capitol Hill à Seattle a pu tenir pendant presque un mois contre la police, mais sans direction ni programme révolutionnaire, aucune de ces initiatives n’ont pu résister.
Les travailleurs ne peuvent rien attendre des partis démocrates ni des politiques réformistes, ils ne peuvent avoir confiance que dans leurs propres forces, et s’organiser ensemble pour la défense des opprimés.