
« Un spectre hante l’Europe — le spectre du communisme. » 175 ans se sont écoulés depuis que Marx et Engels ont écrit cette phrase dans le Manifeste. Aujourd’hui, cette formule est plus que jamais d’actualité. Le spectre du communisme ne hante plus seulement l’Europe, il s’est renforcé, étendu, et plane désormais sur l’ensemble du globe. Sur chaque continent, les contradictions du capitalisme éclatent, entraînant crises, guerres, misère et barbarie. Les classes ouvrières du monde entier ressentent le besoin urgent d’en finir avec ces horreurs.
Le capitalisme, qui fut historiquement un facteur de développement des forces productives, est désormais un frein au développement de l’humanité. Il a depuis longtemps cessé de porter en lui une quelconque promesse de progrès. Il pourrit sur pied, et, dans son agonie, entraîne le monde dans le chaos : destruction de l’environnement, guerres impérialistes, exploitation féroce, misère de masse et oppressions en tout genre.
La crise du capitalisme n’est pas une simple crise passagère : elle est l’expression de l’agonie d’un système qui ne peut survivre qu’en replongeant les masses dans des conditions toujours plus inhumaines. La bourgeoisie, pour sauvegarder ses profits, est prête à sacrifier les peuples et à conduire l’humanité entière au désastre.
Il y a 100 ans, Lénine écrivait que l’impérialisme serait le stade suprême du capitalisme. Aujourd’hui, il a atteint sa phase terminale. Nous sommes loin des crises économiques cycliques que décrivaient Marx et Engels au début du capitalisme naissant. Aujourd’hui, les jeune
générations n’ont rien connu d’autre que la crise permanente. Les masses doivent vivre avec l’idée qu’elles vivront moins bien que les générations de leurs parents, et que les conditions seront encore pires pour leurs enfants.
Cependant, l’histoire n’est pas finie. La classe ouvrière, plus grande et plus puissante que jamais, ne se laissera pas broyer sans combattre. Elle contient en elle la force potentielle de transformer la société. Dans les soubresauts de la lutte des classes, dans les grèves, les révoltes, les révolutions qui parcourent déjà la planète, se dessine la possibilité d’un avenir différent : celui d’un monde libéré du capitalisme.
Cette libération ne peut être que le fruit de la prise de pouvoir de la seule classe révolutionnaire – celle des travailleurs – qui représente aujourd’hui l’écrasante majorité de la population.
C’est pourquoi, dans cette période de crise historique, la première tâche des communistes est d’analyser le monde tel qu’il est, de comprendre les causes profondes de la crise actuelle, de tirer les leçons de l’expérience historique du mouvement ouvrier international, et de se doter de perspectives claires pour guider les luttes futures. Car la révolution ne vaincra pas spontanément.
Comme toutes les révolutions, elle doit être préparée, organisée, portée par une direction politique consciente.
C’est la question centrale de la direction politique : le rôle du parti révolutionnaire. La classe ouvrière a besoin d’un parti enraciné dans les masses, armé du marxisme, héritier des combats menés par Marx, Engels, Lénine, Trotsky. Un parti qui puisse devenir l’outil des travailleurs pour renverser l’ordre bourgeois.
Il faut porter un regard honnête sur la situation actuelle. À cette heure, aucune organisation d’extrême gauche, nous compris, n’est en mesure d’accomplir cette tâche. Précisément pour cette raison, le travail actuel des communistes doit être de se préparer, de se renforcer et d’avancer résolument vers cet objectif. La première étape sera d’accomplir à nouveau la tâche historique menée par Marx et Engels dans le mouvement ouvrier naissant, mais dans les conditions de la période actuelle. Au milieu du XIXe siècle, ils ont dû lutter pour gagner le mouvement ouvrier aux méthodes du marxisme révolutionnaire. Aujourd’hui, ces idées sont plus que jamais d’actualité mais restent pourtant presque invisibles aux yeux des masses. Dans ce contexte, notre tâche est d’imposer à nouveau le marxisme dans l’arène politique et au sein du mouvement ouvrier.
Ce manifeste a pour but de tracer les grandes lignes de ce travail historique.
Il entend offrir un cadre politique clair à celles et ceux qui refusent la barbarie capitaliste et veulent se battre consciemment pour une autre société : une société communiste, sans classes, sans exploitation et sans oppression.
La crise globale du capitalisme
Le capitalisme a épuisé son rôle historique de développement des forces productives. Cela ne signifie pas que toute innovation soit impossible dans tel ou tel domaine technologique. Mais il suffit d’observer l’évolution de la croissance des pays capitalistes avancés pour constater que ce système est entré dans une phase mortifère, où les maigres développements ne peuvent être obtenus qu’en sacrifiant toujours plus l’environnement et les conditions de vie des travailleurs.
En quelques décennies, la France est passée d’un taux de croissance annuel du PIB de 6 % à moins de 1 %. Dans les pays capitalistes avancés, la croissance dégringolait déjà dans les années 80. L’entrée de l’Europe de l’Est, des pays émergents et surtout de la Chine dans le marché mondial a permis de repousser la crise à plus tard. Mais depuis la crise de 2008, même la Chine voit peu à peu sa croissance s’écrouler : autour des 10 % avant 2008, elle pourrait diminuer à près de 3 % en 2029.
Avec le capitalisme en crise, c’est tout l’ancien ordre mondial qui s’écroule. La mondialisation, auparavant moteur de ce développement, s’est transformée en son contraire. La montée du protectionnisme et la multiplication des affrontements entre puissances impérialistes sont le signe que les différentes bourgeoisies nationales ont abandonné tout espoir de rétablir la croissance, et qu’elles tentent désormais de tirer la plus grosse part d’un gâteau de plus en plus réduit.
Les États-Unis, qui dominent en Occident depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, et qui en sont les maîtres incontestés depuis la fin de la Guerre froide, assument désormais le déclin de leur hégémonie sous la présidence de Donald Trump. L’Amérique n’est plus le « gendarme du monde ». Elle se replie sur elle-même et cherche avant tout à préserver le profit de ses capitalistes par tous les moyens possibles, tout en préparant le conflit face au rival chinois. La politique de Trump, « l’Amérique d’abord » ou plutôt « les capitalistes américains d’abord », correspond parfaitement à la mentalité d’une bourgeoisie sur le déclin qui cherche à préserver ses profits coûte que coûte. La bourgeoisie américaine trouve de plus en plus que cet ordre mondial lui coûte « un pognon de dingue », et ne lui rapporte pas suffisamment. Que le retrait des États-Unis fragilise encore un peu plus la stabilité du capitalisme mondial lui importe peu
Ces calculs de petit boutiquier sont caractéristiques d’un impérialisme sur le déclin. La chute de l’impérialisme anglais a déjà donné des exemples similaires. C’est avec la mentalité d’un Trump que Margaret Thatcher disait aux institutions européennes : « I want my money back ». Dans la période de pourrissement du capitalisme, ses stratèges sont incapables de vision à long terme ; ils calculent leurs intérêts à court terme sans se soucier des conséquences. Si les stratèges du capital paraissent aussi incompétents, c’est simplement que le niveau de dégradation du système se reflète dans son personnel dirigeant.
Toutefois, les institutions de la démocratie bourgeoise n’ont pas eu besoin que le président de la première puissance mondiale en dénigre les symboles, comme l’ONU et l’OTAN, pour se décrédibiliser. La crise du capitalisme érode en permanence le régime bourgeois, comme la propagande qu’il utilise pour justifier sa domination. Les promesses du capitalisme trouvent avant tout leurs limites dans les crises successives, l’anarchie des marchés mondiaux, la détérioration des conditions de vie et la crise environnementale.
Le capitalisme a toujours été un régime caractérisé par l’extrême accumulation de richesses d’un côté, et l’extrême pauvreté de l’autre. Plus ce système s’enfonce dans la crise, plus les inégalités prennent une dimension caricaturale. Le capital est plus que jamais concentré dans un tout petit nombre de mains, là où 1 % des plus riches possèdent plus de la moitié des ressources de l’humanité. En parallèle, le taux de pauvreté augmente partout depuis le début des années 2000.
Dans une société qui n’a jamais été aussi riche, 733 millions, soit une personne sur onze, ont souffert de la faim en 2023. Le capitalisme a largement les moyens d’éradiquer la famine, et même plusieurs fois. Moins de 3 % des dépenses militaires du G7 suffiraient à éradiquer la faim dans le monde. Un choix que ce système absurde est parfaitement incapable de faire. En revanche, il promet la multiplication des guerres, avec l’augmentation générale des budgets militaires et l’intensification des conflits dans les prochaines années.
La guerre en Ukraine et le génocide en Palestine sont deux exemples frappants de la montée des guerres impérialistes. Mais les conflits actuels ne sont qu’un prélude à l’affrontement entre la Chine et les États-Unis dans le Pacifique, notamment sur la question de Taiwan. Les différentes menaces d’invasions plus ou moins fantasques de Donald Trump, comme les promesses de réarmement des impérialismes européens, sont autant de marqueurs qui indiquent la direction vers laquelle nous emmènent les États capitalistes. Comme dans toute phase d’accroissement des tensions impérialistes, seule une révolution socialiste pourra éviter à l’humanité une nouvelle période de barbarie.
Enfin, avec la crise environnementale, le capitalisme ne promet rien d’autre que le saccage de la nature, de nos conditions de vies et des forces productives. Ce système est parfaitement incapable de mener les changements profonds nécessaires face aux changements climatiques, à la pollution, aux sécheresses et aux incendies qu’il a lui-même provoqués. Dans des situations extrêmes comme les inondations records en Espagne en 2024, les États capitalistes se révèlent non seulement incapables de gérer la catastrophe, mais pire encore, ils ne peuvent même pas protéger à minima les habitants des zones concernées.
Alors même que les scientifiques de la bourgeoisie annoncent un siècle de famines, de désastres climatiques et de déplacements de populations, si les choses continuent dans ce sens, les classes dominantes du monde entier ne font même plus semblant de s’attaquer au problème.
L’anarchie du marché a amené à l’état de crise actuel, il est tout à fait logique qu’elle soit incapable de le régler. Plus que jamais, la propriété privée de la production montre son caractère périmé. La crise climatique actuelle est totalement ingérable sans planification de la production, sans instaurer un contrôle démocratique sur ce qu’on produit et comment on le produit.
La montée de l’extrême-droite
Beaucoup de commentateurs comparent la situation actuelle au niveau mondial à celle des années 30. Et il y a effectivement des similarités, comme le niveau de crise économique, l’intensification de la lutte des classes et la polarisation politique. Mais il y aussi des différences notables, telles que l’absence de partis de masse du côté du prolétariat, et la fonte des couches sociales qui constituaient la base des milices d’extrême droite d’Hitler et de Mussolini.
Plus encore que dans les années 30, la montée de l’extrême droite n’est permise aujourd’hui que par l’incapacité des organisations de masse du mouvement ouvrier à capter cette polarisation. C’est un phénomène que l’on retrouve partout dans le monde, avec les Trump, Le Pen, Milei ou Bolsonaro. Dans presque tous les pays, l’extrême droite parvient à mieux capter la colère des masses que les représentants réformistes du mouvement ouvrier.
Et pour cause, le réformisme est au meilleur de sa forme lorsque le capitalisme progresse, que les profits sont importants, et qu’il est possible de grappiller petit à petit une amélioration des conditions de vie de la classe ouvrière. André Bergeron, le secrétaire général de FO en mai 68, disait que le syndicalisme avait besoin « de grain à moudre ». Il en va de même pour le réformisme en général. Pour convaincre les travailleurs que l’heure n’est pas à lutte pour le pouvoir, mais à la progression régulière de leurs droits sous le capitalisme, il faut avoir une marge de manœuvre.
Or, les capitalistes n’accordent plus cette marge de manœuvre. La crise les pousse à attaquer de plus en plus violemment les droits et les acquis des travailleurs pour préserver leurs marges de profit. Dans ce contexte, les réformistes ne négocient plus de gains pour la classe, ils doivent négocier le rythme des contre-réformes. Il n’y a plus de « grain à moudre ». Puisqu’ils ont besoin de la coopération de la bourgeoisie, les réformistes n’ont plus rien à offrir aux travailleurs dans la période de déclin du capitalisme.
Cette crise se reflète avant tout dans la chute des partis traditionnels de la gauche
parlementaire. Le Parti des Travailleurs au Brésil, le Parti Socialiste en Espagne et en France, le Parti Démocrate en Italie, tous ont payé le prix de leur politique de collaboration de classe et des contre-réformes qu’ils ont menées eux-mêmes, une fois au pouvoir, pour le compte de la bourgeoisie.
Le constat est le même pour la gauche du réformisme. Les nouvelles forces politiques de la gauche radicale qui ont émergé après la crise de 2008, (Podemos, Syriza, Corbyn, Sanders…) se sont presque toutes effondrées. Parmi elles, la France Insoumise fait figure d’exception.
Syriza, en Grèce, parmi une des seules à être arrivée au pouvoir, a montré l’incapacité totale du réformisme, fut-il de gauche, à rompre avec les règles imposées par la bourgeoisie. La plupart ne sont même pas allées jusque-là. Leur effondrement a commencé bien plus tôt, et a été la principale conséquence de leur refus de rompre les liens avec l’aile droite du réformisme, comme Corbyn en Angleterre, ou en faisant directement alliance avec elle tel Podemos en Espagne. Si la FI s’en sort mieux que ses équivalents à l’internationale, elle a aussi payé très cher ses alliances et son incapacité à rompre avec les réformistes de droite en créant la NUPES puis le NFP.
La responsabilité des directions réformistes dans la période actuelle est immense. Dans une période d’intensification de la lutte des classes, où la bourgeoisie est plus fragilisée que jamais, elles font tout pour maintenir la lutte dans les limites traditionnelles du « dialogue social » et du parlementarisme. Alors que la classe dominante ne comprend que le rapport de force, les directions réformistes continuent à plaider pour la négociation et le respect des institutions. Et ce, même lorsque la bourgeoisie nous fait comprendre qu’elle n’est plus disposée à négocier.
C’est précisément cette incapacité des directions du mouvement ouvrier à rompre avec la routine de la collaboration de classe et la respectabilité bourgeoise qui est le moteur d’ascension de l’extrême droite. En se déclarant les meilleurs défenseurs de la démocratie et de la République bourgeoise contre l’extrême droite, les réformistes leur offrent un boulevard pour capter la polarisation politique et se présenter comme anti-système. La défaite de la gauche réformiste aux États-Unis est un très bon exemple de cette dynamique. Pour faire barrage à Donald Trump, Bernie Sanders a soutenu de toutes ses forces les institutions, Biden, et le Parti démocrate. Ce faisant, il a laissé tout l’espace à Trump pour se présenter comme la seule alternative au système actuel, et a condamné sa tendance réformiste « de gauche » à la disparition. Dans une période de polarisation politique comme la nôtre, le mouvement ouvrier ne peut battre l’extrême-droite qu’en présentant une alternative radicale et anti-système à gauche.
La nécessité d’une direction révolutionnaire
Cette absence totale de directions révolutionnaires du mouvement ouvrier se reflète partout et a des conséquences dramatiques. Ces dernières années, les classes ouvrières du monde entier ont démontré leur volonté de lutter. Plusieurs mobilisations sont allées très loin, jusqu’à devenir une véritable menace pour les capitalistes.
En l’espace de deux ans, des mobilisations historiques ont eu lieu en Iran, au Kenya, en Turquie, en Serbie… Un mouvement international en solidarité avec les Palestiniens a vu le jour en 2024. Au Sri Lanka et au Bangladesh, les masses ont fait tomber leurs gouvernements réactionnaires.
La classe ouvrière ne peut supporter indéfiniment les violences du capitalisme sans se battre, et elle a montré dans le monde entier qu’elle était prête à descendre dans l’arène face aux gouvernements capitalistes.
Mais pour mener ces luttes à la victoire, elle a besoin de l’expérience historique du mouvement ouvrier, qui permettent de tirer des leçons des victoires et des défaites des révolutions précédentes.
Cette expérience et ces méthodes, la classe ouvrière ne peut pas les improviser sur le coup au cœur d’un mouvement spontané. La stratégie et le programme pour la prise de pouvoir de notre classe doivent nécessairement être portés par des militants révolutionnaires formés en amont.
En l’absence de direction révolutionnaire, ou avec une mauvaise direction, ce sont des dirigeants réformistes ou libéraux, voire dans le pire des cas complètement réactionnaires, qui s’imposent à la tête du mouvement. Ces directions font alors tout pour faire retomber la mobilisation, pour revenir à une domination stable de la bourgeoisie.
La volonté seule des masses peut pousser tous les gouvernements à genoux, mais elle ne suffit pas à rompre avec le capitalisme.
Les travailleurs ont organisé des grèves générales, des comités de lutte, des défenses révolutionnaires contre l’appareil répressif bourgeois… Mais tous ces exploits n’ont pas été poussés plus loin, coordonnés à l’échelle nationale, menés vers la prise de pouvoir et l’expropriation des moyens de production.
Construire une organisation solide qui forme des militants capables de mener les luttes jusqu’au renversement du capitalisme, c’est la tâche urgente qui se présente aux communistes du monde entier et à laquelle nous devons nous atteler partout où nous le pouvons.
Le déclin du capitalisme français
La France n’est pas épargnée par les conséquences de la crise mondiale du capitalisme.
La fin du mandat de Macron montre que pendant que les travailleurs doivent se serrer la ceinture, il y a largement assez de moyens pour faire exploser le budget militaire. Alors que les inégalités se creusent et que la tension s’accumule, Macron essaie de redorer son blason en s’agitant sur la scène internationale. Pendant que l’impérialisme français perd peu à peu ses bastions historiques (Sahel, Centrafrique…), Macron gonfle le torse et veut faire croire qu’il est un acteur essentiel dans les conflits internationaux.
Après avoir suivi docilement les sacrifices demandés par Washington, il se retrouve démuni par le retournement de la politique américaine sous l’administration Trump.
En réalité, le capitalisme français ne peut en aucun cas faire face aux concurrents sur le marché mondial que sont la Chine et les États-Unis. La bourgeoisie française est incapable de mener une politique indépendante, et est condamnée à jouer les seconds rôles sur la scène internationale. Mais cela n’empêchera pas les capitalistes français de chercher à compenser leurs pertes dans le monde en pressurisant les travailleurs français. Pour rester pertinents dans la géopolitique internationale, ils auront besoin de multiplier les contre-réformes, de sabrer les services publics pour transférer le budget dans la « défense nationale ».
Élections après élections, les gouvernements se succèdent pour mener les mêmes politiques d’austérité au service de la bourgeoisie.
Macron ne recule devant rien : coupes dans les retraites, dans la santé, dans l’éducation, dans les transports, dans les aides sociales… Tout en offrant de généreuses exonérations fiscales aux grandes entreprises, alors même qu’elles licencient massivement comme Auchan, Michelin ou ArcelorMittal.
Mais la classe ouvrière ne se laisse pas faire sans se battre, et les attaques de la bourgeoisie s’accompagnent d’une intensification de la lutte des classes. Le nombre de grèves augmente chaque année. On comptait déjà en 2023 une augmentation de 71 % du nombre de grèves par rapport à l’année précédente.
Surtout, les travailleurs se mobilisent dans des mouvements nationaux d’une régularité sans précédent. Depuis près de 10 ans, on ne peut pas compter deux années consécutives sans une mobilisation de masse (Loi Travail, Universités, Gilets jaunes, Retraites, etc).
Cette intensification de la lutte s’accompagne naturellement d’une augmentation de la répression du côté de la bourgeoisie. Plus que jamais l’État bourgeois laisse tomber la façade démocratique pour s’attaquer aux mobilisations, aux syndicalistes, aux militants et aux organisations politiques. Le droit de grève est systématiquement attaqué et calomnié, le nombre de militants syndicaux portés au tribunal ne fait qu’augmenter, les organisations d’extrême-gauche sont menacées de dissolution. Pendant la mobilisation contre la réforme des retraites, ce ne sont pas moins de 1000 militants qui ont été poursuivis en justice rien que pour la CGT. La mobilisation contre le génocide en Palestine a subi une répression féroce, et tout le monde se souvient encore de la brutalité de l’État face au mouvement des gilets jaunes, qui a fait de nombreux blessés du côté des travailleurs. Sur le plan parlementaire, le régime se caractérise par le recours permanent au 49.3. La république bourgeoise révèle plus que jamais sa véritable nature : elle n’est rien d’autre que l’instrument de la domination d’une classe sur une autre.
Ces attaques ne sont pas un signe de force, elles démontrent au contraire la fragilité du régime. La tension monte entre les classes et la situation est prête à exploser, rendant le moindre mouvement de la bourgeoisie dangereux. Cet équilibre précaire laisse une ouverture à l’extrême droite et à la gauche qui essaient de se frayer un chemin vers le pouvoir. Jonglant entre ses déclarations d’allégeance aux capitalistes et une image anti-système, le RN est en tête de la compétition. Comme partout dans le monde, l’extrême droite profite de l’incapacité des réformistes à rompre avec la bourgeoisie et à proposer une alternative anti-système à gauche.
La crise du réformisme
La gauche traditionnelle s’est effondrée à la suite de la présidence de Hollande. C’est son gouvernement qui a lancé une offensive féroce contre les travailleurs avec la Loi Travail, l’État d’Urgence qui se poursuit encore aujourd’hui, et qui a permis l’installation des discours islamophobes. Comme dans beaucoup de pays, la « gauche de gouvernement » a perdu le peu de confiance des masses qui lui restait en menant la même politique que la droite.
Cet effondrement a permis l’émergence d’une nouvelle force au sein de l’aile gauche du réformisme : La France Insoumise. Contrairement à ses équivalents internationaux, (Podemos, Corbyn, Sanders, Syriza…) les réformistes de gauche en France ont évité l’effondrement en se distinguant des réformistes de droite, notamment dans les mobilisations sur la Palestine. Mais le constat reste le même. Depuis ses débuts, la France Insoumise n’a fait qu’abaisser la radicalité de son programme.
Par sa nature même, le réformisme est totalement incapable de rompre avec la bourgeoisie. Mais il est aussi incapable de se séparer de son aile droite. C’est ce qu’ont montré la constitution du NFP et de la NUPES. Les réformistes, de gauche comme de droite, sont toujours plus à l’aise dans les négociations de couloir et dans le jeu parlementaire que face à la mobilisation de masse de la classe ouvrière.
En s’alliant avec sa droite, la FI se trouve obligée de faire des concessions au PS, au PCF et aux Verts, qui n’ont comme seule obsession que de passer pour respectables aux yeux de la bourgeoisie. Ces partis ne représentent plus rien au sein de la classe ouvrière, ils se sont discrédités pendant des décennies. Ils ont déjà été au gouvernement, et y ont déjà appliqué un programme contraire aux intérêts de la classe ouvrière. Dans le gouvernement de la « gauche plurielle » à la fin des années 2000, ces trois partis ont notamment pris toute leur part dans la privatisation des services publics. Ils se sont récemment encore illustrés par leur refus de soutenir pleinement le mouvement pour la Palestine. Il est difficile d’imaginer plus contre-productif que de chercher à capter la radicalité à gauche tout en s’alliant avec François Hollande. Face à ce type de tactiques électorales, le RN se frotte les mains.
Au nom de l’union de la gauche, la FI la désarme en s’alliant avec des partis complètement discrédités aux yeux de la classe ouvrière, et continue de recentrer son programme, au point de le rendre presque totalement inoffensif pour les capitalistes. La possibilité d’appliquer un programme raisonnable en collaboration avec les capitalistes français devient même un argument de campagne, comme si ces derniers allaient laisser s’appliquer un programme de gauche réformiste, quel qu’il soit, dans la période actuelle.
En 2017, la FI avait réussi à capter la colère avec une campagne qui appelait à balayer l’ancienne classe politique et à la transformation radicale du système. C’est cette radicalité qui avait trouvé un écho important dans les masses et en particulier dans la jeunesse.
Mais après avoir joué le jeu du Front Républicain avec Macron, après avoir abaissé son programme pour faire plaisir au PS, la FI peine à recréer cet enthousiasme. Elle apparaît de plus en plus comme « le moindre mal », comme l’était le PS avant elle, et se trouve de plus en plus associée à cette « gauche de gouvernement » dont plus personne ne veut entendre parler. Dans ce contexte, ce sont bien souvent les attaques incessantes de la bourgeoisie contre la FI et la propagande médiatique contre la « menace rouge » que serait Mélenchon qui lui permettent de garder la sympathie de notre camp politique et une carrure d’opposition.
Les travailleurs et la jeunesse sentent que les attaques de la bourgeoisie contre LFI visent le mouvement ouvrier dans son ensemble, et sont prêts à la soutenir contre ces dernières. Cela suffit pour conserver des scores corrects aux élections, mais c’est très insuffisant pour créer une dynamique à gauche capable de battre la droite et l’extrême droite.
Au contraire, l’affaiblissement de la radicalité et les dernières alliances de LFI n’ont fait que renforcer l’image anti-système et subversive du RN, et à le rendre plus audible dans la classe ouvrière. Alors que la FI proclame depuis toujours que sa cible sont les abstentionnistes, elle est allée chercher ses voix du côté de l’électorat de centre-gauche, et a très peu progressé sur le plan électoral. En face, sans concurrent à gauche, le RN peut continuer sa progression d’élection en élection.
Il n’est pas impossible que la FI prenne un tournant radical avant les prochaines échéances, et réussisse à mobiliser à gauche sur la base du rejet de l’extrême droite. Mais cette stratégie a des limites. De plus en plus de gens sont dégoûtés par la gauche traditionnelle. La FI paie aujourd’hui son incapacité à se détacher nettement du PS, du PCF et d’EELV, en un mot, du réformisme de droite. Pour créer une véritable alternative de gauche radicale et poursuivre sur l’enthousiasme de ses débuts, la FI aurait dû répondre à sa promesse initiale de rompre avec tous ces partis décrédibilisés, prendre ses responsabilités en tant que direction, et orienter le mouvement ouvrier vers le renversement du gouvernement.
Il n’est pas question ici de semer des illusions sur les réformistes. S’ils peuvent être poussés ponctuellement vers la gauche par la pression des travailleurs et de la jeunesse, ils se révèlent systématiquement incapables de rompre définitivement avec les capitalistes. Même leur programme le plus mou est en contradiction avec les moyens qu’ils sont prêts à mettre en œuvre pour forcer la main des capitalistes. Ils sont condamnés à décevoir les espoirs que les masses placent en eux. Les révolutionnaires doivent être prêts à accompagner la réalisation par les masses des limites du réformisme, tout en organisant les membres les plus conscients de notre classe autour d’un programme clairement communiste.
Les limites du réformisme de gauche transparaissent totalement dans l’histoire de LFI. Depuis 2017, son parcours n’a été qu’un recentrage progressif vers le réformisme de droite. Aux prochaines élections, il est probable que l’extrême droite profite une fois de plus de l’incapacité des réformistes à se porter à la hauteur de leur tâche en tant que direction du mouvement ouvrier. Il faut néanmoins ajouter que LFI n’est pas aidée par la bourgeoisie, contrairement au RN. Tous les gouvernements pavent la voie à l’extrême droite en multipliant les attaques racistes, islamophobes et transphobes. De même, les médias diabolisent en permanence la gauche de Mélenchon, tout en soutenant par tous les moyens la montée du RN.
Cette situation n’a rien d’anormale, et elle devrait convaincre la gauche qu’il n’y a rien à chercher du côté de la respectabilité bourgeoise, ni aucun soutien à attendre contre l’extrême droite du côté des institutions, des médias et de l’État de la classe dominante
Pour détourner l’attention de son programme anti-social, la bourgeoisie use, comme à son habitude, de la division de classe. Les oppressions, le racisme, la désignation de responsables parmi la classe ouvrière font partie de ses meilleures armes dans une période de crise comme la nôtre.
Ainsi, les attaques sociales, les campagnes islamophobes et les polémiques suivent les attaques économiques comme leur ombre. La classe dominante impose les sempiternels débats sur le voile et l’intégration des musulmans. Elle utilise toutes les occasions pour relancer sa propagande raciste, et utilise des événements comme l’attaque du 7 octobre 2023 pour les couvrir de « lutte contre le terrorisme ».
De la même manière, le gouvernement utilise son appareil judiciaire et médiatique pour attiser la haine envers les personnes trans et les attaquer toujours davantage publiquement. La bourgeoisie et ses représentants politiques sont incapables d’apporter de réels progrès sur la question des oppressions. Au contraire, ils ont tout intérêt à les instrumentaliser, et chaque avancée est surmontée d’une épée de Damoclès prête à tomber à tout moment si la bourgeoisie ressent le besoin de recourir à la panique réactionnaire.
Puisque tous les gouvernements mènent la même politique, couverte de propagande réactionnaire, l’extrême droite ne semble plus si dangereuse pour beaucoup de travailleurs. Et pour cause, tous ces partis défendent les intérêts de la même classe. Ils mènent la seule et unique politique qui correspond aux intérêts des capitalistes français. Et ils utilisent tous les outils nécessaires à cette fin qui sont, dans la période actuelle, l’exploitation toujours plus violente de la force de travail, les coupes budgétaires, la répression et la propagande réactionnaire.
Pour servir correctement la bourgeoisie française, le RN est d’ores et déjà obligé de craqueler son vernis social. Bardella « entend le cri de Bernard Arnault », il est déjà prêt à servir son maître. En somme, jouer exactement le même rôle que Macron. Bien sûr, le RN s’attaquera violemment aux plus démunis, aux immigrés, aux femmes, aux LGBT et aux autres minorités. Mais cette voie est déjà empruntée par le gouvernement actuel, qui préfère sans aucune hésitation tendre la main à l’extrême-droite, plutôt qu’à la « gauche respectable », comme l’ont montré les législatives de 2024.
Mais si les partis de gauche se montrent très conciliants, ce ne sera pas forcément le cas de leurs électeurs. Après avoir voté pour un programme qui promet une hausse des salaires, une baisse des prix, le retour de la retraite à 60 ans et de l’ISF, le mouvement ouvrier ne se satisfera pas des mesures d’austérité exigées par la classe dominante.
Ça ne signifie pas nécessairement qu’un large mouvement va éclater à très court terme. Mais la rage et la frustration s’accumulent avec certitude, et elles ne pourront être contenues indéfiniment. Tôt ou tard, elles se transformeront en une nouvelle mobilisation de masse. Cette dernière pourrait outrepasser les syndicats et les directions réformistes, comme ce fut le cas lors des gilets jaunes, ou elle pourrait prendre la forme d’une mobilisation plus traditionnelle comme lors de la dernière réforme des retraites.
Quelle stratégie pour les luttes à venir ?
Quoi qu’il en soit, la stratégie des directions traditionnelles doit être remise en question. Depuis des années, les travailleuses et travailleurs sont baladés sur des « journées d’actions » symboliques ou des « grèves perlées » inefficaces et épuisantes. La classe ouvrière n’apprécie pas de reproduire indéfiniment les mêmes erreurs, et les travailleurs ont tiré de l’expérience des défaites des dernières mobilisations.
L’arme de la classe ouvrière, c’est le rôle qu’elle occupe dans la production. En arrêtant le travail, elle stoppe l’entrée de profits pour les capitalistes et empêche la société de tourner. Ce n’est qu’en faisant usage de ce rapport de force que notre classe peut obtenir des concessions dans la période actuelle. Le rôle des directions ouvrières est de pousser les grèves à s’étendre dans chaque entreprise, dans tous les secteurs, et de manière reconductible.
La grève, surtout lorsqu’elle est menée en commun par les différentes couches de la classe ouvrière, permet aux travailleurs de prendre conscience de leur force, que notre classe peut faire tourner la société sans la classe parasite des capitalistes.
Ce ne sont pas tellement les mouvements en eux-mêmes qui terrifient la bourgeoisie et son personnel politique, mais les conclusions que les travailleurs pourraient tirer de leurs mobilisations. La classe dominante est terrifiée à l’idée qu’ils puissent passer au niveau supérieur et se diriger vers une transformation révolutionnaire de la société
Les directions réformistes et les bureaucraties syndicales sont tout aussi terrifiées à l’idée que la classe ouvrière, une fois mobilisée, puisse échapper à leur contrôle. C’est la raison pour laquelle elles repoussent tant la question de la grève générale qui peut rapidement pousser une mobilisation hors du cadre traditionnel de la politique bourgeoise et des négociations syndicales.
C’est cette même peur de perdre tout contrôle sur le mouvement qui les pousse à adopter des stratégies perdantes comme celle des journées d’action. Si, comme les directions syndicales aiment le rappeler, la grève générale « ne se décrète pas », leur travail devrait être de la préparer. La bourgeoisie a bien montré, lors du mouvement sur les retraites et dans les précédents, qu’elle ne reculerait devant rien d’autre que la mobilisation de l’intégralité des secteurs et la paralysie totale du pays.
Si, en tant que marxistes, nous devons être conscients des limites des réformistes, et ne devons pas attendre de miracles de leur part, c’est aussi notre rôle de nous battre pour que les organisations de masse, comme les syndicats, se dotent de directions et de programmes capables de défendre les intérêts de notre classe et de s’attaquer réellement à l’ordre social capitaliste.
Les syndicats ont perdu beaucoup de la confiance de la classe ouvrière dans les dernières décennies. A tel point que des explosions significatives de la colère des masses ont outrepassé les cadres traditionnels des mobilisations syndicales. Le mouvement des gilets jaunes en est le meilleur exemple, puisqu’il s’est organisé indépendamment des directions réformistes officielles. De nombreux travailleurs ont alors manifesté beaucoup de méfiance envers les syndicats, qui n’ont d’ailleurs jamais appelé à la grève en soutien à la mobilisation.
Contrairement à ce que prétend la sociologie bourgeoise, l’affaiblissement du syndicalisme français n’est pas le résultat d’une soi-disant disparition de la conscience de classe. Les bureaucraties syndicales récoltent aujourd’hui le résultat de décennies d’accompagnement du capitalisme, et d’incapacité à inverser le cours des contre-réformes qui s’enchaînent les unes après les autres.
Malgré cela, le syndicalisme reste un outil indispensable pour la lutte. Marx disait que sans organisation, la classe ouvrière n’est qu’un matériel brut pour l’exploitation, et que la crise et l’intensification de la lutte des classes amènent naturellement les travailleurs qui veulent se défendre à se syndiquer. De même, si la classe ouvrière a besoin de paralyser le pays pour conquérir le pouvoir, on ne peut que constater qu’à l’heure actuelle les syndicats sont les seules organisations implantées dans les entreprises et capables d’organiser la grève à l’échelle du pays.
Inévitablement, la radicalisation ambiante et la tension dans la lutte des classes se reflètent également à l’intérieur des syndicats. Les marxistes doivent rester attentifs et participer, dans la mesure du possible, aux luttes qui ont lieu dans les organisations syndicales, entre les tendances de droite des directions confédérales qui défendent le vieux dialogue social, et les tendances de gauche qui reflètent la pression de la classe ouvrière vers la grève générale et la rupture avec le système capitaliste.
La classe ouvrière, par son rôle essentiel dans la production, est la seule à pouvoir renverser le capitalisme et construire le socialisme. Dans les grèves et les grands mouvements de notre classe, les travailleurs ont maintes fois prouvé leur capacité à gérer la société par eux-mêmes. Mais pour mener cette tâche à bien, il faut armer la classe ouvrière d’un programme et d’une direction révolutionnaire. Et pour y arriver, il faudra arracher la direction du mouvement ouvrier aux bureaucraties réformistes.
Que faire ?
Le premier objectif des communistes est le renversement du système capitaliste, l’abolition de l’esclavage salarié, de la propriété privée des moyens de production, et la fin de toute forme d’oppression et d’exploitation.
Pour atteindre cet objectif, les communistes luttent pour la révolution socialiste et pour la prise de pouvoir de la classe ouvrière. Celle-ci est la première classe de l’histoire de l’humanité à pouvoir faire tourner la production au bénéfice du plus grand nombre et à pouvoir abolir la société de classe. Tous les systèmes que l’humanité a traversés jusqu’à aujourd’hui ont permis le développement de capacités productives extraordinaires, permettant de libérer du temps et d’assouvir les besoins de chaque être humain. C’est cette base qui ouvre la voie vers le communisme.
Cet objectif est d’autant plus urgent que le capitalisme, par la destruction de l’environnement, menace l’humanité d’un déclin sans précédent. Nous ne pouvons supporter ce système une génération de plus, et c’est pourquoi nous luttons pour la révolution de notre vivant.
Contrairement à sa déformation réformiste et à ce qu’on entend dans les universités bourgeoises, le marxisme ne se limite pas à reconnaître l’existence de la lutte des classes. Sur ça, même les bourgeois peuvent tomber d’accord. Le marxisme et le communisme, qui sont une seule et même chose, reconnaissent avant tout la nécessité d’une prise de pouvoir révolutionnaire consciente. Toute philosophie qui tente d’en extraire le caractère révolutionnaire n’a absolument rien à voir avec le marxisme. La pratique révolutionnaire, la construction de l’organisation d’avant-garde et la lutte politique sont totalement inséparables de la théorie de Marx.
En tant que communistes, nous prenons part à la lutte du prolétariat pour des réformes, pour l’amélioration des conditions de vie de notre classe à travers les luttes nationales et les luttes professionnelles.
Mais au contraire des réformistes et de beaucoup d’organisations d’extrême gauche, nous n’avons pas pour vocation d’être les « accompagnateurs » des luttes économiques.
Notre objectif n’est pas d’expliquer aux travailleurs ce qu’ils savent déjà, c’est-à-dire qu’ils doivent sans cesse lutter face aux capitalistes sur les conditions de vente de leur force de travail.
Le rôle des communistes est d’amener à la classe ouvrière la conscience et les moyens de sa tâche historique et révolutionnaire, qui est l’abolition de l’ordre social actuel. De plus en plus de jeunes et de travailleurs sont convaincus de la nécessité de renverser ce système, il faut les armer des outils théoriques pour mener cette tâche à bien.
Comme l’écrivait Marx dans le Manifeste : « Pratiquement, les communistes sont donc la fraction la plus résolue des partis ouvriers de tous les pays, la fraction qui stimule toutes les autres ; théoriquement, ils ont sur le reste du prolétariat l’avantage d’une intelligence claire des conditions, de la marche et des fins générales du mouvement prolétarien. »
En conséquence, la première tâche des communistes est toujours l’éducation politique. Il ne peut y avoir de pratique révolutionnaire sans théorie révolutionnaire.
Pour une petite organisation marxiste, la priorité doit être la formation politique en interne d’une part, l’organisation d’un nombre de plus en plus grand de militants et d’autre part, l’agitation et la propagande révolutionnaire.
D’une manière générale, la lutte idéologique vient nécessairement avant l’implantation systématique dans la classe ouvrière. Lorsque le marxisme révolutionnaire n’est pas déjà populaire dans les rangs de notre classe, lorsqu’il n’est vu comme une alternative crédible que par une extrême minorité de travailleurs, obtenir une base dans les entreprises et les syndicats se fait nécessairement en cherchant des raccourcis, en diluant et en cachant le discours révolutionnaire.
Les marxistes doivent absolument éviter de perdre le sens des proportions et garder la tête froide sur cette question. La plupart des travailleurs, même de gauche et syndiqués, ne prendront pas les idées révolutionnaires au sérieux tant qu’elles resteront invisibles dans l’arène politique. Tant que le marxisme sera aussi peu visible, les solutions défendues par les réformistes dans les élections et dans les différents médias leur paraîtront nécessairement plus réalistes.
Le rôle des communistes n’est pas de s’incliner devant la conscience réformiste, qui est toujours majoritaire dans notre classe, du moins à l’heure actuelle, mais de chercher systématiquement à amener les idées révolutionnaires et à rallier les éléments les plus radicaux à la bannière du marxisme. Toutes nos interventions dans les luttes économiques locales et dans la lutte pour des réformes doivent être subordonnées aux objectifs de l’agitation et de la propagande révolutionnaire.
Au vu des forces dont dispose notre camp politique, le travail des communistes est avant tout un travail de construction des forces du marxisme, dans lequel le recrutement et la formation des cadres jouent un rôle central. C’est le seul moyen d’atteindre la première étape de notre travail : la construction d’une organisation de cadres marxistes capable de défendre le communisme révolutionnaire dans le mouvement ouvrier sur le plan de la lutte politique comme dans les luttes économiques locales.
Cette nécessité de reconstituer les forces du marxisme révolutionnaire découle directement de l’état actuel de la tendance communiste révolutionnaire dans le mouvement ouvrier.
Les organisations qui se réclament du marxisme en France sont éparpillées, aucune n’a de lien avec les masses, et aucune ne peut revendiquer une forme d’hégémonie à l’extrême gauche.
Les petits groupes communistes ont la réputation d’être nombreux en France, et en même temps le marxisme reste peu visible. La plupart des organisations brillent par leur conservatisme, par leur incapacité à profiter de la radicalisation à gauche et à passer les étapes supérieures de leur développement.
Cette situation ne sort pas de nulle part, les organisations d’extrême gauche portent les stigmates de la longue traversée du désert du marxisme révolutionnaire dans la deuxième partie du XXe siècle.
Pour s’orienter correctement en tant que marxiste dans la période actuelle, il faut prendre un peu de recul historique, et comprendre les difficultés qui ont produit l’extrême gauche que nous connaissons aujourd’hui.
Le marxisme du stalinisme à nos jours
Après la dégénérescence stalinienne du milieu des années 20, tous les communistes révolutionnaires sont enfermés puis assassinés en Russie, et purgés des partis communistes, voire également assassinés, dans les pays capitalistes comme la France. Les partisans de Trotsky réunis dans la IVe Internationale se retrouvent comme seuls représentants du marxisme révolutionnaire.
Mais après la mort de Trotsky et la Seconde Guerre mondiale, l’Internationale se retrouve dans une situation difficile. Les trotskystes sont coupés des masses, à l’inverse des staliniens qui contrôlent presque entièrement le mouvement ouvrier. Les Trente Glorieuses connaissent la plus grande période de croissance de l’histoire du capitalisme, les révolutionnaires sont affaiblis, la politique réformiste des sociaux-démocrates et des staliniens est d’autant plus renforcée. Sans parler du développement du prolétariat tertiaire, qui a paralysé les organisations dans un contexte où la plupart vivaient en permanence dans la peur de la « dégénérescence petite-bourgeoise ».
S’en suivra la longue dégénérescence de la IVe Internationale, la bureaucratisation de son régime interne, la multiplication des tentatives opportunistes de se connecter aux masses qui finira par l’abandon pur et simple du marxisme. Les scissions se multiplient, l’Internationale finit désintégrée en une multitude de petits groupes, tous dirigés par un des anciens dirigeants de telle ou telle section nationale.
Il est inutile de rentrer plus dans le détail ici. Il suffit de rappeler que les groupes que nous connaissons actuellement sont les héritiers directs de ces différentes scissions. Tous ont conservé au moins en partie le régime malsain d’une Internationale sur le déclin. Tous sont traversés des mêmes traumatismes et angoisses politiques.
Il faut garder en tête que la composition actuelle de l’extrême gauche est le produit direct d’une période où le marxisme luttait pour la survie, où les groupes communistes dégénéraient les uns après les autres, en cherchant des raccourcis pour gagner un peu d’influence dans la classe ouvrière.
Ce serait semer beaucoup d’illusions que de penser qu’une organisation puisse sortir indemne d’une période pareille. Les militants ont fait ce qu’ils ont pu avec ce qu’ils avaient, et les communistes de l’époque ont accompli le rôle historique de conserver le marxisme jusqu’à la période actuelle, jusqu’à ce que la crise revienne frapper le capitalisme de plein fouet et replace le communisme sur le devant de la scène.
Mais précisément, la montée actuelle du marxisme dans la jeunesse est incompatible avec les organisations qui vivent et ont vécu renfermées sur elles-mêmes, pour la conservation des idées comme de leur petit groupe dirigeant. En dernière analyse, ces partis restent adaptés à la période qui les a vu naître.
Plus que jamais la superstructure des organisations retarde sur l’évolution des conditions matérielles, sur le niveau de conscience actuel des couches les plus avancées de la classe ouvrière, et en particulier de la jeunesse.
Pour une organisation à la hauteur de nos tâches
Une de nos tâches les plus importantes est de rompre avec les débris de la dégénérescence de la IIIe et de la IVe Internationale. Bien sûr, nous devons systématiquement aller où se trouvent les bataillons de la jeunesse radicalisée, qui comptent parmi ses rangs le plus grand nombre de futurs militants communistes. Mais l’orientation vers la jeunesse est insuffisante si elle ne rompt pas avec le conservatisme. Les travailleurs ne veulent pas rejoindre un parti qui a peur de faire le moindre mouvement, ou qui a conservé le régime interne sectaire d’une période de déclin. Nous devons construire une organisation adaptée et ouverte aux couches les plus conscientes de la jeunesse radicalisée, et les rallier aux idées et aux méthodes du marxisme.
De même, nous devons être pleinement conscients que le stalinisme a donné au communisme une image parfois réactionnaire qui a marqué l’esprit de nombreux jeunes et de travailleurs, même parmi les plus radicaux. C’est à nous de démontrer, par la pratique, que les communistes se battent dans l’intérêt de tous les membres de notre classe. Qu’ils sont notamment au devant des luttes contre les oppressions, prêts à élever l’intelligence et la solidarité de notre classe, et qu’ils sont les seuls capables de donner les moyens d’en finir définitivement avec ce fardeau.
La lutte contre les oppressions fait aujourd’hui partie des déclencheurs de vastes mobilisations de masse, comme l’ont montré plusieurs grandes manifestations au Chili, en Espagne, en Iran, en Argentine… Tout révolutionnaire doit porter une attention particulière à ces sujets et être capable de construire un pont entre la lutte directe contre les oppressions et la lutte révolutionnaire contre le système dans son ensemble
Dans la lutte contre les oppressions, comme dans l’ensemble de la lutte du mouvement ouvrier, il est urgent de remettre le marxisme à l’ordre du jour. Il n’y a que le renversement complet de ce système qui puisse nous débarrasser de toutes les horreurs des sociétés de classes.
Par bien des aspects, nos tâches actuelles sont les mêmes que celles de Marx et Engels dans la Ière Internationale. Et en même temps, les conditions sont très différentes.
Lorsque Marx et Engels ont entamé le travail de rallier le mouvement ouvrier au matérialisme historique, ce dernier était encore embryonnaire. Le réformisme n’existait pas comme une tendance déclarée, les partis ouvriers n’avaient pas d’idéologie solide.
Mais malgré l’échec de la Ière Internationale, ce travail de propagande acharné a permis à la IIème Internationale, la première Internationale de masse, de reposer dès sa fondation sur la méthode marxiste.
Aujourd’hui, la situation est différente. Le mouvement ouvrier existe depuis longtemps, il a de longues traditions et des idéologies bien définies. Au cours du siècle dernier, c’est le réformisme qui s’est imposé, avec la participation active du stalinisme. Le marxisme a été marginalisé, conséquence des trahisons de la IIème et de la IIIème internationale, comme de l’échec de la IVe.
En conséquence, la tâche des communistes est d’imposer à nouveau le marxisme comme idéologie du mouvement ouvrier.
Marx et Engels ont pu le faire en accompagnant la structuration du mouvement ouvrier naissant. Ils ont dû lutter contre de nombreuses tendances petites-bourgeoises comme l’anarchisme ou le trade-unionisme, qui annonçaient déjà le réformisme. Mais les résistances qu’ils ont rencontrées au sein du mouvement ouvrier sont sans commune mesure avec celles que nous devons affronter aujourd’hui.
La présence du réformisme, et de ses directions bureaucratiques qui œuvrent activement contre la prise de pouvoir du prolétariat, font qu’il est impossible d’imposer le marxisme comme idéologie du mouvement de la même manière qu’il y a 150 ans.
Pour accomplir le même objectif, il faut mener une lutte idéologique féroce contre le réformisme pour la direction du mouvement ouvrier. La crise que traverse le réformisme aujourd’hui doit être l’occasion pour les marxistes de lui porter le coup fatal, et nous devons devenir suffisamment forts pour y arriver.
Bien sûr, il ne s’agit pas d’exagérer le niveau de conscience actuel, et de décréter que les masses sont déjà révolutionnaires. A l’heure actuelle, la majorité de la classe ouvrière tend toujours plutôt vers le réformisme, et cette situation ne pourra changer qu’avec l’impact d’événements historiques majeurs.
Mais les dynamiques sont là. Et l’essentiel est d’orienter correctement nos forces vers les couches dont la conscience évolue le plus rapidement. Les tâches que nous avons devant nous ne peuvent être accomplies sans organisation d’avant-garde, sans bataillons de communistes organisés capables d’unir leurs forces et de mener ce travail ensemble. Notre organisation doit devenir l’outil de cette couche, en particulier de la jeunesse, qui s’oriente aujourd’hui vers le communisme et qui cherche une méthode pour transformer la société.