Un nouveau scandale sanitaire

Le 11 août 2025, la loi Duplomb a été promulguée alors que la majorité des Français l’avaient rejetée. Les macronistes, les républicains et l’extrême droite ont voté comme un seul homme leur soutien au lobby agricole majoritaire, la FNSEA (Fédération Nationale des Syndicats d’Exploitants Agricoles), dont Bayrou est un soutien notoire et de longue date.
L‘une des mesures phares de cette loi, d’après les recommandations de la FNSEA, était l’autorisation, selon des conditions floues, d‘utiliser dans certaines cultures l‘acétamipride, un néonicotinoïde, alias « tueur d’abeille », interdit en France en 2018. Cet insecticide à spectre large a des effets destructeurs sur le cerveau des abeilles notamment, des insectes de manière générale mais pas seulement. Il serait aussi très persistant dans l’environnement, polluant les sols et les nappes phréatiques, et finirait par se retrouver dans nos assiettes ! De plus en plus de scientifiques alertent sur le risque sanitaire généralisé que causerait l’utilisation de cet insecticide. D’après Jean-Marc Bonmatin, chimiste-toxicologue au CNRS et spécialiste des néonicotinoïdes, « on a découvert des choses graves, qui concernent le neurodéveloppement chez le fœtus, et chez l’enfant, avec des maladies du spectre autistique, et des malformations cardiaques. D’autres études attestent qu’il y a un lien avec des cancers, par exemple le foie, la thyroïde, les testicules ».
Tandis que d’un côté le gouvernement parle de prévention contre le cancer et d’améliorer la santé publique, sur le ton moralisateur des « 5 fruits et légumes par jour ! », de l’autre, il s’empresse d’empoisonner nos assiettes. Face aux contestataires, le gouvernement s‘est réfugié derrière la compétitivité agricole et l’absence d’alternatives pour lutter contre les insectes ravageurs de certaines cultures (betteraves sucrières, colza, arbres fruitiers…). Ce refrain-là n’est pas nouveau : la dangerosité de l’usage de la chlordécone aux Antilles a longtemps été niée par les pouvoirs publics, et ce malgré de nombreuses alertes, avant d’être justifiée par « l’absence d’alternative ». Ce qui est factuellement faux. Il existe des alternatives durables au mode de production agricole intensif à intrants chimiques et produits phytosanitaires. Mais ces alternatives ne sont pas assez rentables pour les capitalistes, qui préfèrent financer un mode de production érodant les sols, les rendant stériles, les polluant, et contaminant de la sorte toute la chaîne alimentaire. En réalité, dans l’affaire du chlordécone, l’État français a purement et simplement sacrifié la santé des Antillais et leur accès à l’eau potable sur l’autel du profit. C’est la même logique dans l’affaire Duplomb.
La population ne s’y est pas trompée. Après le vote de la loi à l’Assemblée nationale le 8 juillet dernier, une pétition demandant son abrogation a recueilli en quelques jours plus de deux millions de signatures ! Par ailleurs, selon un sondage réalisé par l’institut Cluster 17 le 27 juillet, 61 % des Français se disaient défavorables à la loi Duplomb, dont 46 % « très défavorables ». Ce désaveu massif n’est probablement pas étranger à la décision du Conseil Constitutionnel de censurer l’article de la loi portant sur ce pesticide, bien qu’il ait laissé la porte grande ouverte à une nouvelle proposition de loi qui préciserait davantage son usage.
Maltraitance animale, pandémie et profits
La loi Duplomb a finalement été adoptée sans son article le plus contesté. Ses contours essentiels sont : une atteinte aux pouvoirs de l’Anses (l‘Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, qui contrôle l’usage des pesticides), un assouplissement de la réglementation environnementale pour l’agrandissement ou la construction d‘élevages intensifs, et une carte blanche donnée à la construction de mégabassines.
L’article 3 de la loi n’est rien de moins qu’un permis de laisser-faire à la maltraitance animale et aux pandémies

Il permet de faciliter l’agrandissement ou la création de bâtiments d’élevage intensifs. Ces derniers pourront désormais contenir 85 000 volailles ou 3000 cochons dans un même bâtiment, sans autorisation préalable. Or, les élevages intensifs industriels sont des terreaux fertiles pour les maladies, du fait du nombre, de la proximité et des conditions de vie horrifiques des animaux qui y sont entassés. Entre 2021 et 2022, pas moins de 23 millions de volailles avaient été abattues en France, afin d‘endiguer une pandémie de grippe aviaire transmissible à l’Homme, avec un risque de mortalité très élevé. Loin d’y remédier, cette nouvelle loi permet seulement de garantir les intérêts économiques de quelques industriels au détriment du plus grand nombre.
Il en va de même pour la construction des mégabassines, de grands réservoirs de stockages d’eau, reconnues par l’article 5 de cette loi comme étant « d’intérêt général majeur ». N’en déplaise aux gros propriétaires terriens qui composent la FNSEA, les scientifiques sont majoritairement d’accord pour affirmer que les mégabassines n’apportent pas de solution aux problèmes d’eau et viennent, au contraire, les aggraver en fragilisant le cycle de l’eau. Ce qui expose davantage les populations aux risques de pénuries d’eau, dans un contexte de réchauffement climatique. Par ailleurs, la construction de mégabassines favorise l’appropriation de la ressource en eau par les grands propriétaires terriens, au détriment des petits paysans.
Une fois de plus, de somptueux profits sont cachés sous la poudre de perlinpinpin. Mais plus la course aux profits est rude dans le monde des rapaces capitalistes, moins son enrobage est subtil. La loi Duplomb est un exemple parmi d’autres. Le vote du budget 2025 en est un autre. Alors que Macron avait, pour sa réélection, promis monts et merveilles en matière d’écologie, son gouvernement a adopté en 2025 un plan d’austérité massif qui prévoit plus de 2 milliards d’euros de coupes budgétaires sur la mission Écologie. Avec, une fois n’est pas coutume, la ferme intention de faire payer la facture à la classe ouvrière.
Face à la crise climatique, il n’y a que le socialisme !
La crise écologique et climatique est l’enjeu le plus crucial de notre siècle et pourtant ceux qui en sont les plus responsables sont incapables d’y répondre. Les réformes se succèdent sans que rien ne change. Pour la majorité de la population, la situation ne fait qu’empirer. Et pourtant, la destruction du vivant n’est pas une fatalité. Elle est caractéristique d’un mode de production en particulier : le système capitaliste.
Marx, le premier, avait soulevé les problèmes écologiques liés à la production dans le système capitaliste. Pour lui, une agriculture à grande échelle avec pour objectif de créer du profit ne permettait pas d’appliquer une gestion des sols rationnelle et scientifique, « si bien que la production capitaliste ne développe pas la technique et la combinaison du processus de production social qu’en ruinant dans le même temps les sources vives de toute richesse : la terre et le travailleur » (Le Capital ; Livre 1). Marx cherchait des solutions techniques et scientifiques pour résoudre ces problèmes, mais elles ne pouvaient s’appliquer qu’une fois le système de production radicalement transformé, c’est-à-dire, débarrassé du mode de production capitaliste une bonne fois pour toutes.
Dans un système de production socialiste, la production est contrôlée par les travailleurs et n’est pas soumise à une logique de profit. Elle est planifiée, rationnelle et entièrement compatible avec la préservation des ressources de la planète et de la santé humaine. La transition vers le socialisme est d’autant plus facile en présence de grands propriétaires terriens et de grands monopoles dans tous les secteurs sous le capitalisme. Une fois les monopoles expropriés et nationalisés, une planification nationale et internationale de l’économie peut être mise en place de manière durable et suivant les dernières recommandations de la recherche scientifique.
Face à la crise climatique, la lutte pour une planification socialiste de l’économie, protectrice de l‘environnement et dirigée par les travailleurs et les travailleuses est une urgence ! Lors de la campagne d’entre-deux-tours de 2022, Macron déclarait : « La politique que je mènerai dans les cinq ans à venir sera écologique ou ne sera pas. ». Message reçu 5 sur 5 : nous n’avons pas besoin de sa politique ! Ni de son gouvernement ! La lutte pour le renverser commence maintenant !